Je ne sais pas si on peut parler de "monde des Bisounours" pour Laurent Gidon. Je me suis bien marrée en lisant son interview mais derrière il parle quand même de désepérer du présent. Donc, le constat reste assez dur, même s'il essaie de jouer la carte de l'humour et de l'optimisme (j'ai vraiment trouvé ça excellent
).
Après, il faut reconnaître qu'on a trois avis différents selon des points de vue différents.
CB : Une auteur qui a le vent en poupe donc, forcément, on sent l'espoir que les choses s'améliorent.
LG : Un auteur qui a galéré un moment pour trouver un éditeur mais qui a enfin accosté sur les rives de l'Eldorado. Donc, oui, il sait que le monde est dur et que c'est parfois à désespérer. Mais il sait aussi qu'en y croyant et en se battant (surtout avec un peu d'autodérision pour ne pas encaisser trop durement les coups), on peut y arriver.
ND : Point de vue d'un petit éditeur avant tout. Donc, celle qui va au front et qui encaisse les coups. Ici, on ne rejette pas les manu sans même les avoir lus parce que l'auteur est inconnu. On prend le temps de lire, de laisser une chance à tout le monde, on se fait engueler par certains auteurs parce qu'on met le temps, y en a d'autres qui vous disent que vous n'êtes pas un vrai éditeur puisque vous n'acceptez plus les manus (c'est tellement plus logique d'accepter sans fin et de donner une réponse dans 1d1000+1000 ans), on pourrait en venir à maudire tous les auteurs à cause de cette poignée de narcissiques qui ferait oublier les autres. Mais non, on est auteur aussi, alors on sait que la majorité silencieuse mérite qu'on lui laisse sa chance. On cherche la perle rare, on bosse pour la rendre plus brillante, on sort un livre malgré les galères, parce qu'on est un petit éditeur, on n'est qu'un petit contrat chez un petit imprimeur et quand il y a une coquille, on ne peut pas se permettre de tout jeter. On a un boulot pour manger parce que faire de l'édition par passion, ça ne rapporte rien. On doit gérer sa vie, les galères, les souris, on a du retard, on en viendrait presque à culpabiliser. Puis enfin, le livre est là et on est quand même un peu fier parce qu'on s'est donné du mal et là, on doit mendier pour une micro place au fond d'une étagère de grand centre "culturel" parce que bon, y a des arrangements avec les gros et qu'il faut pas leur faire de l'ombre avec les petits (c'est logique... Autant que de mettre les grands devant sur une photo de classe). On fait les ventes qu'on peut, on est catalogué sous-catégorie littéraire. Les fans d'Imaginaire lisent ce qui sort chez les gros qui se contentent de traduire. Les mêmes fans décident un jour de devenir auteur et regrettent que quand même, en France, on n'a pas sa chance (et parfois, ce sont encore eux qui vous insultent parce que les choses ne vont pas assez vite). On se heurte encore et encore à la société de consommation et à son pouvoir abrutissant et, sans doute, on a parfois envie d'abandonner...
Alors, forcément, la réponse à la question est un peu plus dure, moins optimiste mais tout aussi passionnée. De cette passion qui fait mal parce qu'on l'a chevillée au corps.
Et donc, au passage, je souhaite plein de courage à la patronne. Et je la remercie de toute l'énergie qu'elle nous consacre.