Après quelques péripéties, j'ai enfin pu lire cette anthologie de Noël, même si ce n'est plus la saison. Voici mon avis sur chacune des dix-huit nouvelles... Ou plutôt dix-sept : je ne vais tout de même pas vous dire que j'ai beaucoup aimé celle que j'ai écrite !
Quand Jésus descend par la cheminée de Ian Watson
Un petit conte qui renverse les rôles traditionnellement dévolus aux protagonistes de Noël, pour une bonne entrée en matière.
La Méthode Noël de Nicolas Saintier
Après une pointure comme celle qui le précède au sommaire, l'écriture de Nicolas Saintier, qui déjà ne m'avait pas convaincu dans les pages d'une précédente anthologie, paraît parfois maladroite. Mais l'histoire racontée ici est suffisamment accrocheuse pour faire oublier les quelques errements stylistiques.
Noël en solitaire de Léa Silva
Une jolie histoire, simple, bien menée, qui certes ne révolutionnera pas la littérature mais qui remplit son office : réenchanter, même modestement, la nuit de Noël.
Befana d'Anne Rossi
Voilà le genre de texte qui semble conçu pour plaire à tous les lecteurs : une société futuriste à la fois inquiétante et crédible, des personnages qui suscitent la sympathie, des bons sentiments mais pas de nunucherie, et de l'espoir pour conclure... Si quelqu'un prétend ne pas avoir été touché par cette nouvelle, je ne le croirai pas.
Le Sauveur d'Alain Rozenbaum
Le résultat est un peu décousu, on sent que la finalité de ce texte de SF "à l'ancienne" n'est que de permettre à l'auteur de mettre en scène des inventions futuristes aussi farfelues qu'effrayantes... Ce qui n'est déjà pas si mal.
Miriam, Messie de Dean Whitlock
Je ne connaissais pas Dean Whitlock, et c'est pour moi une belle découverte. Cette longue nouvelle conviendra sans doute davantage aux amateurs de récits historiques qu'aux lecteurs de SFFF purs et durs : ici le fantastique y est celui des anges et des miracles. J'ai l'impression que ce type d'imaginaire religieux est peu exploité par les auteurs français, et qu'il fallait la plume d'un anglo-saxon pour nous offrir un tel texte. En tout cas je me suis régalé.
Gloire éternelle de Meddy Ligner
Trop court, beaucoup trop court ! Dommage, le peu que nous propose l'auteur est engageant. En développant un peu le propos il y avait sans doute moyen d'en faire un grand texte, car la base est là.
Poupée et vieux journaux de David Baquaise
De l'auteur, j'avais déjà lu une nouvelle parue chez Sombre Rets. J'avais bien apprécié, tout en sentant qu'il manquait quelque chose pour en faire quelque chose de vraiment marquant et d'abouti. J'ai eu la même impression un peu frustrante avec cette nouvelle-ci, qui aurait peut-être mérité d'être un poil raccourcie pour être plus percutante.
Nuit de Noël à l'Octogone de Jean-Marc Ligny
On ne présente plus Jean-Marc Ligny, l'une des grandes figures de la SF française. Mais ce texte m'a laissé perplexe. Certes, il y a une vraie plume, rien à redire sur l'écriture... En revanche je n'ai pas compris ce que l'auteur voulait nous raconter : le soir de Noël, un SDF entre dans un bâtiment en travaux ; il se retrouve projeté dans une bataille du passé ; il est tué. Et... C'est tout ? Suis-je passé à côté d'indices, de références ?
Le don de Damien X. Nortier
Je ne sais pas si c'est une bonne chose pour l'auteur, mais par les thèmes abordés ou la structure du texte, c'est une nouvelle que j'aurais pu écrire. Je comprends d'autant plus facilement que des lecteurs puissent ne pas adhérer : pour espérer suivre il faut un minimum de culture historique et religieuse, ou au moins un intérêt pour ces questions. En ce qui me concerne, j'ai beaucoup aimé.
A nos espoirs d'Ophélie Bruneau
Ancré dans un monde qui nous est familier, avec ses ados basiques et ses téléphones portables, c'est un texte léger, très accessible, tout public. C'est un peu l'antithèse de la nouvelle précédente... Et beaucoup moins ma tasse de thé, fatalement. En outre, j'ai trouvé le lien à Noël assez ténu, comme s'il était forcé pour coller à la thématique.
Un jour par an de Claude Mamier
Les premières pages sont particulièrement percutantes, et quand le récit paraît condamné à s'enliser, hop ! on repart pour un tour. Chez certains auteurs, un style oral et un vocabulaire familier donnent parfois l'impression de constituer une facilité d'écriture ; ce n'est pas le cas dans cette très bonne nouvelle, bourrée d'humour noir, cruel, incisif, autrement dit tout à fait à mon goût.
A Christmas Carol de Pierre Gévart
Il s'agissait de ma deuxième rencontre avec Pierre Gévart et, comme la première fois, je n'ai pas réussi à entrer dans son récit. Il faut dire à ma décharge que les histoires de vaisseaux spatiaux, qu'elles soient au premier degré ou sous une forme décalée comme ici, ne m'ont jamais intéressé.
Le village de M. Noël d’Élodie Meste
Un Noël vu à travers les yeux d'un enfant : il était temps ! Lorsque le récit, jusque-là assez mignon, bascule vers *autre chose*, j'ai presque été déçu : après tous les Noëls d'adultes désabusés relatés dans les pages précédentes, poursuivre dans un monde d'innocence aurait pu faire du bien... Mais au final il n'y aurait pas eu d'histoire, et ç'aurait été dommage, tant celle-ci s'avère à la fois bien trouvée et finement menée.
Le Vœu secret des anges de Léo Lamarche
L'anthologiste présente ce texte comme étant polémique et dérangeant. Je l'ai au contraire trouvé naïf, convenu, insipide dans le fond comme dans la forme. En fait l'histoire s'arrête là où elle aurait dû commencer : il aurait été plus intéressant de voir comment cette famille gérera sur le long terme cette "bonne surprise de Noël" tombée du ciel...
Le Père Noël de Muriel Essling
Quand je lis une nouvelle, j'aime que l'auteur me surprenne. Là, comme dans un spot télé pour la sécurité routière, on sait dès le début comment tout cela va finir. Une petite surprise tout de même, mais pas spécialement bonne : je connais Muriel depuis de nombreuses années, je sais qu'elle est capable d'écrire dans un style très riche et très travaillé, à l'opposé de ces phrases de trois mots et ces sujet-verbe-complément qui, à mon sens, ne rendent pas justice à son talent.
Pour une pincée de poussière d'Orson Scott Card
Un monde magique caché derrière une porte, c'est évidemment du lu et relu. Pourtant, lorsqu'une telle histoire est racontée avec le talent de conteur et l'humour de Mr. Card, les pages tournent toutes seules, sans lassitude. Il faut dire que ses gamins malicieux sont tout à fait attachants, et Mo m'a rappelé certains personnages des romans jeunesse de Terry Pratchett... Ce qui venant de moi est un compliment.
En relisant chacun de mes commentaires, j'ai l'impression d'être globalement critique et de ne pas faire preuve de beaucoup d'enthousiasme... Pourtant j'ai vraiment apprécié cette lecture. Même les nouvelles qui ne m'ont pas parlé ne m'ont pas paru mauvaises, ou bâclées, comme c'est parfois le cas dans d'autres anthologies : ayant travaillé avec Pierre-Alexandre, je suis bien placé pour savoir que chaque texte a été particulièrement soigné... Si bien que le niveau général est très bon, très pro, avec des styles et des visions de Noël assez variées. Histoire de chipoter, il manque peut-être à mon goût un peu de Noëls exotiques dans le genre de mon Noël russe, on reste la plupart du temps dans la bonne vieille fête à la mode anglo-saxonne que nous subissons chaque année... Mais après tout, le sujet n'est pas "Noëls du monde" mais "Noëls d'hier et de demain" !