J'ai fait l'acquisition des Héritiers d'Homère il y a quelques mois. J'ai donc, certes, mis du temps à lire l'anthologie mais je ne regrette pas.
D'ailleurs, j'ai repris depuis le départ, histoire d'aborder le tout avec un oeil neuf ; le fait est que je suis parfaitement ignare quant à la mythologie grecque, et qu'à ma première lecture, j'avais picoré par ci par là en ayant l'impression de manquer quelque chose... ce qui m'avait assez frustré.
Au final, il m'a de temps en temps manqué la dimension allusive de certaines nouvelles ; en en prenant connaissance à travers le lexique de fin, certaines se sont davantage révélées, quand d'autres ont continué à me paraître bien foutues et très agréables à lire. Tout ça pour dire que là où j'avais cru voir un obstacle, il n'y en a pas en fait.
La bouteille, le barbu et le sens du monde :Une nouvelle qui m'a plu par son cadre, moins dans sa forme. Rien à redire au style mais quelque part, j'ai trouvé le développement un peu abrupt. La trouvaille, en elle même, de ce personnage et de ce qui va lui arriver m'a séduit ; disons que le passage dans le bar ne m'a en revanche pas vraiment convaincu, comme passage obligatoire de la "révélation" au lecteur. En cela les mots de Dyonisos sont un peu trop "éclairés", audibles au point de voir notre héros le croire un peu siphoné. Ce qui suivait, l'escapade vers le terrain vague entre autres, m'a semblé plus dans le ton, si on peut dire, sachant que ce n'est pas "ma" nouvelle. Du bon et du moins bon, pour moi.
La caverne des centaures mâles : Une nouvelle qui interpelle ; je ne sais pas si le côté Œdipien se devine par les mots ou se ressent à la lecture, probablement les deux. Ca m'a parlé d'assez près, on pourrait dire. Le style m'a paru assez fluide, peu de choses à dire de ce côté là. Bien apprécié la sensation d'étrangeté qui se dégage du texte, tant par un "sensation d'avoir les extrémités empesées de glaise" que par ce passage décrivant l'arrivée des centaures dans la grotte, observée de derrière un rideau. Un monde perceptible derrière. C'est une de mes préférées dans l'anthologie, en tout cas.
La mort d'Héraclès :Apprécié et bienvenu, ce petit intermède. Le Choeur et le Coryphée m'ont intrigué : c'est un recours classique, dans la ...poésie grecque, ou dans le théâtre ? En tout cas j'ai apprécié leurs interventions autant que les enjeux de la scène principale.
Le syndrome de Midas :Une lecture sur laquelle je suis partagé. Apprécié le style, la clarté de l'exposé, et la façon de dépeindre la chute du trader. Très bien fait à ce niveau là. Là où j'ai été moins conquis, c'est à ce qui précède le dénouement : la tentative de rattraper l'aspect mythologique, en le faisant expliciter par le Cercle, m'a paru un peu "tassée" quelque part, comme si le propos en sortait alourdi. Surpris, par la suite, par la tournure des évènements et ces lignes très courtes, où la nature démoniaque des collègues est révélée dans toute sa mesure, alors qu'ils le traînent sur ce brancard, d'opération en opération. La fin est assez obscure, je n'ai pas saisi sur quel plan ce "nocher" se situait. L'allusion à la section "Recherche" du fonds d'investissement m'a échappé également.
Ca reste quand même un bon moment de lecture.
Le pacte d'Hécate :Un des textes qui m'ont parus obscurs, dans leur sens et dans le déroulé des évènements, d'un point de vue mythologique j'entends. Je me suis d'abord demandé s'il s'agissait d'une scène connue de celle-ci, réécrite et ré-interprétée ; or, si j'ai bien compris, il s'agit à la fois de détourner le classique enlèvement de Perséphone par Hadès, et d'opter pour la version où les Erinyes sont issues de ces deux-là. Il s'agit aussi, en se servant de la nature particulière/double de Hécate, d'imaginer quelles ont été ses manigances. Voilà ce que j'en ai compris ; et pour le texte en lui même, je l'ai apprécié tout en lui trouvant un aspect assez complexe, du point de vue des implications de Hécate, notamment. Au delà du Bien et du mal, pourrait-on dire (même si ceux là ne sont pas des composantes de la mythologie grecque) ; une scène mythologique, qui n'appelle pas de jugement, et qui nous laisse un peu "spectateurs", à entendre de manière plutôt positive. J'ai bien aimé.
Aube : Une ambiance assez pesante, dans sa lumière. Texte dont j'ai du reprendre à l'instant quelques passages pour m'en souvenir, et pour me rappeler que j'en avais apprécié la lecture, pourtant. Je n'ai pas été particulièrement fan du style, un peu trop épuré et, comme je l'ai vu ailleurs sans me rappeler où, sujet aux répétitions. Il me semble qu'elles sont voulues et qu'elles participent de l'ambiance. Un beau texte quand même, très honnêtement, et pas larmoyant. Le ton est adéquat et évite justement ce piège.
Cet éternel orgueil :Pas très convaincu par cette nouvelle. La chute a quelque chose de "téléphoné" (pardon pour l'anachronisme !), en ça que, si elle fait référence à la cruauté des Dieux, et qu'elle restitue bien cet aspect arbitraire et sans pitié de leur jugement, je n'ai pas été transporté par l'histoire, et pas vraiment intéressé. Je ne sais pas si j'ai loupé le ton, et/ou snobé la cruauté d'Athéna, mais ça ne m'a pas parlé plus que ça. Peut-être le style s'était-il fait trop discret pour moi, je sais pas bien...
Prisonnier de son image :Je vais peut-être aller à contre sens, pour beaucoup, mais cette nouvelle ne m'a pas emballé. A la relecture, j'ai constaté que mon souvenir d'un style poussif était erroné ; il n'en est rien, c'est plutôt bien écrit même, mais la chute ne m'a pas convaincu, et un je ne sais quoi m'a empêché d'avoir de l'empathie pour les personnages. La gamine dépressive et son traitement notamment, son ton sur la fin, quand elle l'appelle... un peu cauchemardesque, tout ça, trop glauque même, car trop lié à la réalité de certaines personnes. Désolant, poignant et tout ce qui va avec, quand on connaît, de près ou de loin (de loin pour moi). C'est donc moi qui ai un problème avec ce texte, de ce point de vue là. Je reconnais par contre que le traitement du "narcissisme" est bien pensé et original, seulement, à ce sujet, la fin me paraît s'être précipitée, et me paraît avoir "sauvé" l'auteur, l'avoir rattrapé de justesse avant qu'il ne trouve pas son dénouement ! De façon générale, pas très éprouvé par cette nouvelle.
Mayday :Incisif, très bien écrit comme ce qui j'ai pu lire d'autre de l'auteur. Il m'était comme sorti de la tête que je pouvais, de temps en temps, tenter de faire un rapprochement entre le titre d'une nouvelle et la mythologie.
Alors Médée... longtemps, longtemps après, j'ai compris.
Le texte est quand même très court, trop court certainement pour que je puisse l'apprécier autant que d'autres. Le fait que je n'y aie rien compris un temps durant a peut-être laissé une empreinte durable, aussi.
L'esprit de l'HellespontUne autre de mes préférées dans l'antho. Qualités allégorique, présence réelle des personnages, et un monde lointain qui apparaît, qui se matérialise dans la progression bien réglée du récit. Je trouve que par ses qualités d'abstraction, sa formulation et sa langue, le texte gagne une véritable portée, une véritable densité, pour se hausser au niveau du
conte. Comme le disait Isa d'ailleurs, je l'aurais volontiers aimé plus long. Et comme je le disais aussi à Oliv, le texte est par endroits elliptique, et supporterait probablement une rallonge, mais il est quand même bien comme ça, en attendant.
Nyctalê de Samothrace :Lecture un peu délicate, j'ai eu du mal à rentrer dedans. L'histoire est plaisante mais je l'aurais davantage apprécié si le style et la structure s'étaient faits plus "pêchus". En tout cas le thème est original.
Le chêne et le tilleul :Simple. Beau texte également. J'ai apprécié l'exposé clair, sans longueurs, et le portrait paisible offert par Philémon et Baucis.
L'hospitalier : En voilà encore une qui atterrit en haut de mon classement : rien à redire sur celle-ci. Le fait que tout soit écrit d'avance ne m'a en rien gêné, et au contraire, je me suis pris à croire que tout pouvait changer. C'était sans compter la nécessaire tragédie, et le fait que les oracles font les destins.
Entre parenthèses, ce qui me rebutait de prime abord dans la mythologie grecque, c'était cet aspect arbitraire quant aux jugements des Dieux. Ici, c'est la matériau idéal d'une histoire certes déjà écrite, mais dont les ressorts fonctionnent à merveille, et parviennent à élever le tout, ici aussi, à la hauteur du conte.
La descente aux Enfers d'Orphée et d'Eurydice :Nouvelle plaisante à lire. Pas adhéré complètement au style, mais apprécié la transposition du mythe ; pas toujours convaincu par le déroulement des évènements, un peu perdu de vue une réflexion attendue sur la place de l'art d'Orphée dans son couple, mais au final, un portrait attrayant.
Pierce's Track : the Maid and the Highway :Honte à moi, mais évidemment, j'ai loupé quelque chose en ne lisant pas "Persée" dans le titre. Egalement en ne captant rien à propos de Andra enchaînée à un rocher. Par ses parents, qui plus est ! C'était au moins gros comme une montagne, mais rien vu ! J'ai loupé, avec tout ça, un peu plus du comique de la nouvelle, mais ai quand même réussi à l'apprécier. Pour quoi ? Pour le décalage, pour l'écriture aussi par endroits. En relisant, j'ai pu apprécier la chose dans son ensemble. Voilà, lecture sympathique et bienvenue. Je mets aussi celle-ci dans mon "top", de façon un peu différente des autres, mais je la mets quand même.
On approche de la fin de l'antho, et les approches de chacun ont doucement varié. Un petit mot au passage pour les anthologistes, le déroulement est appréciable. Je ne sais pas ce quelles autres portes ont été fermées en faisant ce choix quant à l'enchaînement des nouvelles, mais le présent résultat est chouette.
Les sept derniers païens : Problème avec cette nouvelle : je n'ai pas accroché à la narration. Des passages intéressants, une nouvelle assez ambitieuse, mais qui pour moi n'a pas rendu tout son sel. Il m'a manqué une ligne directrice plus franche ; si elle existe, j'ai eu la sensation d'avoir un texte très condensé, faisant un peu trop l'impasse sur certaines longueurs "indispensables". J'ai eu la sensation d'avoir affaire à une novella très raccourcie. Dommage, je sens que le texte a quelque chose, mais j'ai un peu peiné durant la lecture. J'imagine qu'involontairement, ce narrateur me rappelle un certain
don Benvenuto, et que si le caractère du Celte nous marque durant ce récit, il nous paraîtra forcément plus effacé que celui du Ciudalien. Une comparaison qui n'a pas lieu d'être, mais qui n'en est pas moins inévitable ; l'autre est tellement grandiloquent ! Je relirais les
sept derniers païens dans quelque temps, pour voir si j'ai pas été perturbé outre mesure...
Sémélé :Bonne claque, celle-ci. Sans conteste parmi mes préférées ; habile, la langue est adaptée, le rythme impitoyable et l'intérêt du texte à son maximum. Pour moi, parfaite adéquation du fond et de la forme, qui en fait une des plus réussies de l'anthologie. Je n'ai saisi l'aspect mythologique qu'après coup, mais le texte était tout autant digne d'intérêt.
Firestarter : Un peu passé à côté de Firestarter. Curieusement, le rythme ne m'a pas porté, et les images non plus. Pourtant, je reconnais que l'idée est bonne. A relire, et vous trouverez ce message édité peut-être.
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Voilà, de bons moments passés dans ces pages, sans conteste. Maintenant, j'attends le Butin !